Une relation entre la stabilité d’une population ou d’un écosystème et l’aire considérée

On savait que la stabilité temporelle d’une population ou d’un écosystème devait augmenter avec l'échelle spatiale, mais cette relation n’avait jamais été explicitée. Des chercheurs de la Station d'Ecologie Théorique et Expérimentale (CNRS et Université Paul Sabatier) et leurs collaborateurs internationaux décrivent pour la première fois la Relation Invariabilité – Aire (Invariability-Area Relationship, ou IAR). L’article, récemment publié dans Nature Communications, établit une relation théorique et la mesure avec des données de production végétale et de communautés d'oiseaux.

Plus un écosystème varie dans le temps, plus la probabilité d’atteindre de faibles valeurs de services écosystémiques ou d’abondance augmente. Or une faible abondance peut être dramatique pour une espèce menacée et un faible niveau d’offre d'un service écosystémique peut avoir des conséquences néfastes pour le bien-être humain. Lorsque l’abondance fluctue dans le temps, les risques associés à des années de faibles valeurs d’abondance (extinctions, pénuries) ne sont en général pas compensés par les bénéfices des années de forte abondance. La stabilité temporelle est donc une variable d’un grand intérêt pour la gestion et la conservation de la biodiversité et des écosystèmes.

L’échelle spatiale est un paramètre essentiel de toute mesure de stabilité temporelle : on s’attend à ce que ces deux grandeurs augmentent ensemble. Pourtant, la relation entre la stabilité temporelle (invariabilité) et l’échelle spatiale (aire considérée) n’avait jusqu’à présent jamais été explicitée et appliquée à l’écologie des communautés et des écosystèmes.

L’article récemment publié dans Nature Communications établit une Relation Invariabilité – Aire (IAR) théorique et montre que sa forme dépend de la synchronie spatiale, qui mesure si les populations fluctuent de façon simultanée. Comme des populations proches fluctuent de façon plus similaire que des populations éloignées, la synchronie devrait décroître avec la distance.

Relation Invariabilité – Aire pour la production primaire terrestre (IAR)
La Relation Invariabilité – Aire pour la production primaire terrestre (IAR), depuis la parcelle jusqu’au globe, présente trois phases caractérisées par une forte pente aux petites et grandes échelles. Les données de terrain (à gauche) proviennent de deux forêts tropicales de 50 hectares (échelle de 10-4 à 0.5 km²). Les données de télédétection (à droite) proviennent de MODIS (radiomètre spectral pour imagerie de résolution moyenne), d’une échelle de 1 km² jusqu’au globe.

Lorsque cette décroissance de synchronie s’accélère avec la distance, comme dans une relation exponentielle, l’IAR présente trois phases, caractérisées par des augmentations plus fortes de l'invariabilité aux petites et grandes échelles. De telles IARs triphasiques sont observées pour la production primaire terrestre de l’échelle de la parcelle à l’échelle du globe.

Par contraste, lorsque la synchronie entre populations diminue lentement avec la distance géographique qui les sépare, l’IAR est quasiment linéaire sur une échelle log-log. Ces IARs quasi-linéaires sont observés pour la biomasse des oiseaux nord-américains, tant au niveau des espèces qu’au niveau des communautés. Cette quasi-linéarité pourrait provenir de l’éventail relativement réduit des échelles spatiales considérées.

L’IAR fait écho à la relation bien connue qui lie le nombre d’espèces à l’aire échantillonnée (Species-Area Relationship, ou SAR), qui présente également une forme triphasique de l’échelle de la parcelle à celle du globe. L’IAR offre des opportunités similaires à la SAR, qui est par exemple très utilisée en biologie de la conservation pour prédire les conséquences de la perte d’habitat pour la biodiversité. A titre d’exemple, l’IAR pourrait permettre de prédire les effets d’une perte d’habitat sur des populations vulnérables ou sur des services écosystémiques, que la SAR ne permet pas. Les auteurs montrent que l’IAR pourrait aussi aider à détecter l’approche de transitions « catastrophiques » vers un état dégradé d’écosystème. L’avenir nous dira si cette nouvelle relation connaîtra un engouement similaire à la SAR.

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Référence

Wang S., Loreau M., Arnoldi J-F., Fang J., Rahman K.A., Tao S., de Mazancourt C. An invariability-area relationship sheds new light on the spatial scaling of ecological stability. Nature Communications (2017)

DOI: 10.1038/ncomms15211

Contact

Claire de Mazancourt, Centre de Théorie et Modélisation de la Biodiversité, Station d’Ecologie Théorique et Expérimentale (SETE), CNRS/Université Paul Sabatier

Tel : 05 61 04 05 80

Mail : claire.demazancourt@sete.cnrs.fr