Simuler la stabilité des écosystèmes à grande échelle

Bien que les relations diversité-stabilité aient été étudiées de manière approfondie dans les écosystèmes locaux, la crise mondiale de la biodiversité appelle à une meilleure compréhension de ces relations dans un contexte intégrant aussi l’effet de l’espace. Dans un récent article paru dans la revue Ecology Letters, Shaopeng Wang et Michel Loreau de la Station d'Ecologie Théorique et Expérimentale du CNRS à Moulis (UMR5321) utilisent un modèle dynamique de métacommunauté pour étudier les relations entre la diversité des espèces et la variabilité des écosystèmes à travers les échelles.

Cet article Biodiversity and ecosystem stability across scales in metacommunities, publié dans la revue Ecology Letters, fait suite à un article précédent publié dans la même revue en 2014 qui avait déjà fait l’objet d’un fait marquant sur ce site il y a 2 ans. Le précédent article proposait un cadre général ouvrant la voie à l’étude de la stabilité des écosystèmes à des échelles spatiales emboîtées et de ses relations avec la biodiversité à ces mêmes échelles.

Une approche différente

La nouvelle publication de Shaopeng Wang et de Michel Loreau permet d’aller plus loin à l’aide d’une approche différente. Développant une simulation numérique pour explorer les relations entre variabilité temporelle et diversité des écosystèmes à différentes échelles dans des métacommunautés soumises à des variations environnementales, le but était ici d’étudier quantitativement les relations diversité-stabilité à l’échelle locale et régionale et de déterminer les facteurs qui les gouvernent. Comme nous le dit Michel Loreau : « Le développement d’un modèle plus mécaniste nous a permis d’explorer en détail les facteurs qui déterminent lesrelations diversité-stabilité, les connexions entre les effets de diversité à différentes échelles, et les scénarios possibles en fonction des conditions du milieu. »

Accroître nos connaissances sur l’évolution de la richesse spécifique des milieux

Le modèle montre que la diversité alpha (diversité locale des espèces) augmente la stabilité de l'écosystème local, mais que la diversité bêta (variations de la composition en espèces entre écosystèmes) joue également un rôle important à l’échelle régionale en augmentant l'asynchronie spatiale entre les divers écosystèmes locaux. Par conséquent, les diversités alpha et bêta contribuent toutes deux à la stabilité des écosystèmes régionaux.

En examinant l’interaction entre le degré d’homogénéité spatiale de l’environnement et la biodiversité, les auteurs montrent en outre que si l’environnement des différents écosystèmes locaux est très hétérogène et asynchrone, l’écosystème régional tend d’office à être très stable ; l’effet stabilisateur additionnel de la diversité est alors relativement faible. Mais les changements globaux en cours ont tendance à homogénéiser les conditions environnementales dans l’espace : les événements extrêmes se font partout, accroissant la synchronisation des parcelles à très larges échelles. Dans ce cas, l’effet stabilisateur de la diversité devient très important. Autrement dit, à l'échelle régionale, la biodiversité joue un rôle d’autant plus essentiel que la corrélation spatiale de l'environnement augmente.

Ces résultats ont des implications importantes pour comprendre et prédire les effets interactifs des changements environnementaux globaux : homogénéisation environnementale et perte de biodiversité contribuant tous deux à déstabiliser les écosystèmes à large échelle.

Voir aussi

Pour aller plus loin :

Wang S. & Loreau M. (2016) Biodiversity and ecosystem stability across scales in metacommunities. Ecol. Lett., 19, 510-518.

Loreau, M. & de Mazancourt, C. (2013). Biodiversity and ecosystem stability: a synthesis of underlying mechanisms. Ecol. Lett., 16, 106–115.

Leibold, M.A., Holyoak, M., Mouquet, N., Amarasekare, P., Chase, J., Hoopes, M. et al. (2004). The metacommunity concept: a framework for multi-scale community ecology. Ecol. Lett., 7, 601–613.