Les régulations épigénétiques sont essentielles pour le développement du nodule symbiotique fixateur d’azote

Les symbioses fixatrices d’azote entre légumineuses et rhizobiums nécessitent la formation d’un organe spécifique, le nodule racinaire, impliquant une reprogrammation massive de l’expression génique. Les chercheurs de l’équipe « Infection endosymbiotique et développement nodulaire » du LIPM ont découvert que des régulations épigénétiques impliquant la déméthylation de l’ADN végétal sont essentielles pour cette reprogrammation et la production de nodules fixateurs d’azote chez la légumineuse modèle Medicago truncatula.

Outre l’équipe « Infection endosymbiotique et développement nodulaire», ces travaux ont été menés avec l'aide du service de bioinformatique du LIPM (Erika Sallet, Ludovic Cottret et Jérôme Gouzy) ainsi que de la plateforme GeT genotoul (notamment Gaëlle Lefort et Céline Noirot).

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© C. Satgé et P. Gamas

Grâce à une approche de dissection laser couplée à du séquençage massif d’ARNs (Roux et al., 2014), l’équipe a découvert que différents gènes contrôlant la méthylation de l’ADN sont spatialement fortement régulés au sein du nodule symbiotique (Satgé et al., 2016).

La méthylation de l’ADN a une influence sur l’accessibilité de l’ADN par la modification de la structure de la chromatine. L’ADN déméthylase DEMETER (DME), qui était jusque-là uniquement connue pour son rôle clef dans le développement de la graine, est fortement et spécifiquement exprimée dans la zone de différenciation nodulaire, tandis que différentes ADN méthylases sont exprimées dans la zone méristématique et réprimées dans la zone de différenciation. Plusieurs centaines d’éléments transposables (normalement réprimés par méthylation) sont activés transcriptionnellement dans cette zone. DME est responsable d’une partie seulement des phénomènes de méthylation différentielle, mais l'altération de son expression suffit pour obtenir un nodule qui ne soit plus du tout fonctionnel. En effet la diminution de l’expression de DME par ARN interférence conduit à des nodules incapables de fixer l’azote atmosphérique, altérés dans la différenciation cellulaire et l’expression de nombreux gènes. Plusieurs centaines de régions génomiques différentiellement méthylées au cours du développement nodulaire et portant des gènes clefs pour le développement nodulaire ont été identifiées. Un lien direct entre niveau de déméthylation sous contrôle de DME et niveau d’expression a été établi pour une partie d’entre elles. L’activation transcriptionnelle de DME étant également trouvée dans les nodules d’autres légumineuses (pois et luzerne), ces résultats suggèrent que des mécanismes originellement dédiés au contrôle des éléments transposables ont été recrutés pour la nodulation au cours de l’évolution de manière à assurer une régulation coordonnée de gènes importants pour la différenciation et le contrôle des bactéries symbiotiques (Satgé et al., 2016). Cette découverte fournit un exemple élégant d’un mécanisme dédié à une fonction et recruté plus tardivement pour une autre fonction : les symbioses fixatrices d’azote.

Voir aussi

Carine Satgé, Sandra Moreau, Erika Sallet, Gaëlle Lefort, Marie-Christine Auriac, Céline Remblière, Ludovic Cottret, Karine Gallardo, Céline Noirot, Marie-Françoise Jardinaud, Pascal Gamas. (2016). Reprogramming of DNA methylation is critical for nodule development in Medicago truncatula. Nature Plants, 31;2:16166 (2016).

Date de modification : 07 juin 2023 | Date de création : 15 novembre 2016 | Rédaction : Gamas Pascal & Cassiède-Berjon Guillaume