Quand les plantes combattent les herbivores

Afin de se prémunir des attaques de leurs prédateurs, de nombreuses plantes de la famille des crucifères ont acquis une redoutable défense. Ce genre de poison, appelé « mustard oil bomb » en raison de sa prévalence chez la moutarde, n’a d’effets que lorsque la plante est consommée par un brouteur. Travaillant sur les bases génétiques de ce cocktail toxique chez la plante modèle A. thaliana, un groupe de chercheurs menés par J. Bergelson (Université de Chicago) et F. Roux (LIPM) ont réalisés une découverte surprenante. Cette défense, fruit de la sélection naturelle, n’est efficace qu’avec de très rares combinaisons de 3 gènes indépendants. En dépit de cela, plusieurs populations de plantes se dessinent pourtant en Europe de l’Ouest, signifiant un véritable « saut évolutif » pour passer directement d’une combinaison gagnante à une autre…

Une défense évoluée…

Résultante d’une longue évolution, la « mustard oil bomb » s’apparente à un véritable cocktail de composés organiques. En l’absence d’attaque, afin de demeurer inoffensif pour la plante, les diverses molécules permettant d’amorcer cette arme sont présents de manière disjointe dans les tissus de la plante. Ce n’est que lorsqu’un herbivore (insecte, gastéropode…) vient en les consommant, à endommager ces tissus, qu’il les libère. Leur permettant alors d’interagir, il déclencher la défense : l’assemblage de ces composés conduit à créer des molécules suffisamment toxiques pour le dissuader de poursuivre son festin.

La plante modèle A. thaliana, largement répandue à travers le monde, ne fait pas exception à la règle. En caractérisant les profils des cocktails moléculaires composant la « mustard oil bomb » de populations naturelles d’A.thaliana européennes, ces chercheurs ont noté que ces populations étaient non seulement bien différenciées mais également clairement départagées par une ligne nord / sud (voir carte). Deux groupes de populations se dégagent donc : le premier occupe l’est de l’Europe : Angleterre, France, Espagne, alors que le second s’étend depuis l’Allemagne et l’Italie jusqu’à la Russie. Ce découpage reflèterait une adaptation des plantes à leurs populations respectives d’herbivores.

…résultant de combinaisons gagnantes

Pour tester cette hypothèse, en se basant sur des séquences génomiques, les chercheurs sont dans un premier temps parvenus à identifier trois gènes responsables de cette différenciation est/ouest. Bien que ces 3 gènes se situent sur 3 chromosomes différents, donc séparés physiquement, les chercheurs ont eu la surprise de découvrir qu’ils devaient agir de concert pour que le système de défense soit viable et performant. En effet, toute autre combinaison liée à des mutations isolées de seulement un ou deux des trois gènes se solde par une forte perte d’efficacité du poison et donc à une forte probabilité de disparition… par consommation totale de la plante! Il est donc peu probable que des populations intermédiaires soient observées sur le terrain.

Enfin, un autre élément encore mal compris, demeure l’explication du « saut évolutif » résultant de l’évolution quasi simultanée de 3 gènes localisés sur des chromosomes différents…

Voir aussi

  • Références publication :

PNAS - Vol. 112:13 (4032 - 4037)- Coselected genes determine adaptive variation in herbivore resistance throughout the native range of Arabidopsis thaliana

B. Brachi, C. G. Meyer, R. Villoutreix, A. Platt, T. C.  Morton, F. Roux and J. Bergelson