Herve Philippe

Hervé Philippe - chaire senior 2013

Si la mode est bien à dépasser les frontières entre champs scientifiques, il est des personnes qui par choix ou par opportunité s’étaient déjà positionnées sur ce type d’interface. Hervé Philippe qui vient de rejoindre la Station d’Ecologie Expérimentale de Moulis (SEEM) dans le cadre des programmes d’attractivité du LabEx TULIP compte sans nul doute parmi ces précurseurs.

Alors que sa formation initiale le conduisait vers la vulcanologie, un champ d’investigation alors en perte de vitesse, ce scientifique passionné de l’évolution et bien conseillé par Jean-Jacques Jaeger se tourne vers la biologie moléculaire appliquée à l’évolution. « Nous étions le 2ème laboratoire en France à mener cette activité, c’était un domaine incertain mais en pointe. Maintenant qu'il a révolutionné la phylogénie et pénètre profondément l’écologie, je suis convaincu de la pertinence de ce choix. » Après un séjour d’une dizaine d’années au sein de l’Université de Montréal, il rejoint finalement, grâce au package mobilité proposé par le LabEx TULIP et pour un retour qu’il espère définitif, la France.

Son domaine d’intervention touche plus particulièrement à l’évolution des espèces, par l’étude des arbres phylogénétiques et des évènements de spéciation en fonction du temps. Un de ses projets vise par exemple à comparer à l’aune des crises passées, le renouvellement des niches écologiques. Une recherche pas seulement fondamentale, puisque un des objectifs est de mieux anticiper la crise de la biodiversité en cours et notamment la dégradation des habitats, causée par les activités humaines. De plus, en identifiant des espèces, des taxons « clefs », Hervé Philippe espère pouvoir concentrer les efforts de sauvegarde sur ces dernières et, ainsi, plus facilement sauvegarder des milieux naturels. Ces espèces « clefs » peuvent d’ailleurs parfois s’avérer inattendues, bien loin des emblématiques ours polaires ou pandas…. Un virus peut ainsi, contre toute attente, en compter. Le phénomène de développement extrêmement brutal d’algues dans des masses océaniques, le « bloom algal », peut priver des étendues d’eau entières d’oxygène. Conséquence : la mort de toute espèce aérobie, tels que poissons, crustacés… sauf si des virus interviennent. « D’où l’importance de bien se pencher sur l’évolution des interactions entre espèces ! » explique-t-il. « J’espère pouvoir comprendre quels types d’extinction et de diversification causent une crise et je vais me concentrer à court-terme sur les eucaryotes photosynthétiques et la diversification précoce des animaux tels qu’éponges, cnidaires… »

Bien que passionné par son métier, Hervé Philippe témoigne pourtant d’une prise de recul par rapport à sa propre discipline : « on peut remarquer que la perte de biodiversité va de pair avec l’augmentation de sa connaissance. On peut donc légitimement se poser la question de savoir jusqu’à quel point il est justifié de mener ce type de recherche. Cela, d’autant plus que de moins en moins de gens sont capables d’en comprendre les résultats… ». Conséquence directe, cette activité de recherche se traduit également par une volonté de communiquer vers la société civile les résultats :« Je ne pense pas aller jusqu’à jouer un rôle politique mais je suis en revanche convaincu de l’importance de diffuser ce savoir par le biais de livres de vulgarisation, de conférences… » Effectivement, un bien vaste programme qui ne saurait trop se contenter de longues années de travail…